Une photographie d'un océan bleu foncé avec des montagnes dentelées et enneigées en arrière-plan. Le ciel est d'un bleu glacial, parsemé de nuages gris.

Perspectives écologiques dans les relations interespèces, les environnements post-humains et l'anthropocène

Jeudi 8 juillet 2021 | 09 h 00 - 10 h 30

(PRÉSIDENCE : SYLVAIN LAVOIE) BETH OSNES, KELLY RICHMOND & CHARLES DOUGLAS

Séance simultanée en direct sur Zoom en anglais. Aucune interprétation en langue des signes ou traduction ne sera proposée pour cet événement.

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L’hirondelle ne fait pas le printemps - Une performance expérientielle en faveur de l’amitié entre les espèces et la survie collective

BETH OSNES

Sous un pont de Discovery Drive, des hirondelles rustiques sortent de leur nid pour attraper des insectes et nourrir leur couvée. Le ruisseau sous le pont coule aussi lentement que le temps d’une chaude journée d’été. Sept jeunes femmes au secondaire - distanciées et masquées - écrivent tranquillement des poèmes et imitent le vol des oiseaux en notant le comportement des uns par rapport aux autres ainsi que par rapport à leur environnement. Grâce à plusieurs jours d’observation artistique et scientifique d’une population d’hirondelles rustiques, ces jeunes femmes se lient d’amitié avec le monde par-delà la seule catégorie humaine. Leurs esquisses déterminent la construction subséquente de marionnettes destinées à être contrôlées par plusieurs personnes. Ces marionnettes prennent la forme de diverses espèces d’oiseaux locaux - un héron, un corbeau, une pie, un urubu à tête rouge - et permettent de mieux connaître les animaux qu’elles représentent. La manipulation des marionnettes dans les parcs Boulder’s Open Space Mountain Parks (BOSMP) marque l’affirmation de notre communion avec ces oiseaux et la nature.

Bien que nos randonnées artistiques prévues par BOSMP (qui auraient inclus les marionnettes et les poèmes des jeunes femmes) aient été annulées en raison de la COVID-19, nous avons plutôt décidé de tourner un film et de présenter notre travail sur le site web de BOSMP et au-delà. Cette communication est une réflexion méthodologique sur l’approche adoptée l’été dernier à partir de bases scientifiques majoritairement féministes, dont celles issues des recherches de Donna Haraway, Val Plumwood et Karen Barad. Les leçons tirées de cette approche artistique et scientifique guideront l’intervention de l’été prochain.

Notice biographique 
Beth Osnes, Ph.D., est professeure agrégée de théâtre et d’études environnementales à l’Université du Colorado. Elle est co-directrice de Inside the Greenhouse, un projet de communication créative sur le climat (www.insidethegreenhouse.net). Sa comédie musicale Shine, créée dans le cadre de l’initiative Rockefeller Foundation 100 Resilient Cities, a récemment tourné dans de nombreuses villes où elle a pu contribuer à faire entendre la voix des jeunes en ce qui concerne la planification de la résilience. Elle a aussi fait paraître le livre Performance for Resilience: Engaging Youth on Energy and Climate through Music, Movement, and Theater. Elle crée à présent une méthode d’autonomisation vocale pour les jeunes femmes au Guatemala, en Tanzanie et aux États-Unis (http://speak.world). Son livre Theater for Women’s Participation in Sustainable Development comprend son travail lié à l’équité entre les sexes au Panama, au Guatemala, en Inde, au Nicaragua et dans la nation Navajo. Elle figure dans le reportage primé : Mother: Caring for 7 Billion  (www.motherthefilm.com).

Un rituel sans corps : Une performance sur l’inquiétante étrangeté écologique de The Anthropocene Project

KELLY RICHMOND

L’inquiétante étrangeté est « une crise du naturel, touchant à tout ce que l’on aurait pu penser faire “partie de la nature” : sa propre nature, la nature humaine, la nature de la réalité et le monde », écrit le critique littéraire Nicholas Royle. Se référant simultanément à une incarnation sensorielle forte, à un mode d’analyse critique (étrangement) familière et à une alterité excessivement spectrale et queer, les phénomènes d’une inquiétante étrangeté exigent une prise en considération de leurs dimensions performatives et théâtrales. Cette exigence est encore plus pressante face à des crises (étrangement) naturelles comme le nouveau coronavirus, les changements climatiques et l’anthropocène. Comment l’inquiétante étrangeté de l’écologie en tant que phénomène de performance révèle-t-elle les limites étrangement familières de la nature et de l’humain? Les artistes peuvent-ils et peuvent-elles déployer à dessein l’inquiétante étrangeté de l’écologie pour explorer et élargir ces seuils liminaux en temps de crise ?

Dans cette communication, je tournerai mon regard étrangement familier vers le projet Anthropocène d’Edward Burtynsky, Jennifer Baichwal et Nicholas de Pencier. Ce projet comprend une installation visuelle multimédia et multi-emplacement qui a fait ses débuts en septembre 2018 au Musée des beaux-arts de l’Ontario à Toronto et au Musée des beaux-arts du Canada à Ottawa. Cette performance exemplaire me permet d’explorer l’inquiétante étrangeté de l’écologie. Je déplie le mélange de montages affectifs, de spectres phénoménologiques et d’ancrages environnementaux qui génère une expérience rituelle d’une inquiétante étrangeté pour le spectateur ou la spectatrice dans ses déplacements au sein de l’installation. Enfin, je demanderai à partir d’une perspective queer comment l’installation programme des interactions qui ressemblent à des rituels sans corps, suggérant les formes scénarisées que pourraient prendre des performances de l’inquiétante étrangeté de l’écologie.

Notice biographique 

Kelly Richmond est une doctorante au département des arts de la scène et des arts médiatiques de l’université Cornell, demeurant et étudiant sur le territoire traditionnel de la Nation Cayuga (Ithaca NY), le territoire non cédé des Algonquins Anishinaabe (Ottawa, Ontario) et les terres traditionnelles des Haudenosaunee, des Anishinaabe, des Wendats et des Mississaugas du Crédit (Toronto, Ontario). Son projet de thèse intitulé Spectral Ecologies: Performing Queer Hauntings at the Edge of Climate Crisis examine des moments croisés de performances queer, hantées et écologiques basées sur l’île de la Tortue à la fin du XXe siècle et au début du XXIe siècle.

Anthropo(S)cène : Considération post-psychophysique des atmosphères de Michael Chekhov et son appel à une pédagogie théâtrale durable

CHARLES DOUGLAS

Perturbation de l’activité humaine dans le monde entier, la pandémie de COVID-19 a mis en évidence la relation fondamentale de l’humanité avec l’air. Le médium atmosphérique dans lequel nous sommes immergé.e.s soutient la vie et sous-tend la sensation (Ingold 2012 : 77). L’incarnation humaine se déroule à l’intérieur d’un « monde météorologique » et est influencée par celui-ci (Ingold, 2012 : 81). Alors que les créateurs.trice.s de théâtre sont de plus en plus aux prises avec la menace existentielle du changement climatique et s’interrogent sur la durabilité de leurs pratiques, leurs efforts peuvent être minés par le cadre humaniste des pédagogies traditionnelles. Les techniques psychophysiques inspirées par la phénoménologie du corps de Merleau-Ponty ont réparé la fracture cartésienne en reconnaissant l’indivisibilité du « corpsesprit » d’un.e artiste (Zarrilli 2020 : 106; Zarrilli, 2009 : 4). Pourtant, ces pratiques ont institutionnalisé une dichotomie entre l’humain et le non-humain (Camilleri 2019 : Chapitre 2 : Paragraphe 12). Le professeur Frank Camilleri (2019) de l’Université de Malte a donc proposé d’adopter la théorie postphénoménologique dans la formation des acteurs.trice.s. Cette adoption nous demande de passer de la conception anthropocentrique du « corpsesprit » de l’acteur.trice à l’exploration intégrée d’un « mondeducorps » (Camilleri 2020 : 25-26). Je soutiens que le travail atmosphérique de Chekhov présente une approche « post-psychophysique » (Camilleri 2020 : 27) de la technique incarnée. L’application de cette conception dans ma pratique m’a permis d’aider les acteurs.trice.s à adopter un cadre écocentrique dans leur façonnement d’un être-dans-le-monde où l’air joue un grand rôle. Cette communication tisse un nouveau fil nécessaire dans la tapisserie croissante de la recherche inspirée par Chekhov, nous incitant à approfondir les thèmes de l’écologie et de la durabilité dans la technique de Chekhov. Si le récit est appelé à jouer un rôle dans notre compréhension post-humaine de la crise climatique et de notre situation collective, nous devons également réinventer les pédagogies qui sous-tendent la création de ces récits au XXIe siècle.

Notice biographique

Charles Douglas est un citoyen canadien qui travaille à l’échelle internationale en tant qu’acteur, metteur en scène de mouvements et de combats et enseignant. Il est un ancien boursier Chevening et il est « Fellow » de la Royal Society of Arts. Charles a travaillé entre autres avec le Théâtre anglais du Centre national des arts, Neptune Theatre, le Charlottetown Festival et 2b theatre. Il aimait faire du théâtre sur le terrain avec Two Planks et en 2020, il a été animateur pour The Green Rooms, qui fait partie du cycle sur les changements climatiques du Centre national des arts et a présenté avec des organisations partenaires. Charles est actuellement professeur à l’académie du film de Vancouver, conférencier invité à Central Saint Martins, co-conservateur de International Community for Movement et collaborateur du Centre SIRT du Collège Sheridan. Il est diplômé de la Royal Central School of Speech and Drama (MA), de l’université Queen’s (B.Ed.) et du collège Sheridan (B.A., Hons).
Visitez : www.charlesdouglas.ca