Photographie en gros plan d'une plante à quatre feuilles. Les feuilles sont enveloppées par le soleil, ce qui les fait apparaître brillantes et d'un vert doré.

La crise de la critique, redux

Asynchrone

SIGNY LYNCH, UNIVERSITÉ YORK ET MICHELLE MACARTHUR, UNIVERSITÉ DE WINDSOR

En février 2020, l’artiste ojibwé et sud asiatique Yolanda Bonnell a demandé que les critiques de la production torontoise de sa pièce bug soient rédigées uniquement par des Autochtones ou des personnes noires ou de couleur, invoquant à la fois la spécificité culturelle de l’œuvre et le racisme systémique ancré dans les « pratiques coloniales actuelles en matière de critique » (« Why playwright Yolanda »). Si l’ensemble du milieu de la critique, majoritairement blanc, a respecté la demande, les critiques ont compris de façon différente, souvent limitée, l’idée de Bonnell. Cet incident très médiatisé représente une tendance importante dans le théâtre canadien, où les critiques, « en tant que gardiens du théâtre dans ce pays », interviennent dans le dialogue entre les artistes autochtones, noir.e.s ou de couleur et leurs publics cibles et font circuler des représentations erronées de leur travail et de leurs cultures (Nolan 107-108). Yvette Nolan qualifie ce genre de critiques douteuses de « virulentes », qu’elle associe aussi à la réception critique du théâtre réalisé par d’autres groupes ethniquement et culturellement diversifiés. 

La critique virulente dans le milieu du théâtre canadien n’est pas nouvelle, mais la pandémie et la lutte mondiale contre le racisme anti-Noir, qui se déroulent simultanément, ont forcé les critiques du théâtre à faire une pause et à revoir les pratiques insoutenables et délétères qu’ils.elles perpétuent. Ce moment de crise représente une occasion longtemps attendue de réinventer la critique théâtrale. Notre présentation examinera trois questions centrales. Comment les comptes rendus critiques d’œuvres théâtrales renforcent-ils les points de vue critiques du colonialisme blanc ? Comment les publications, les comptes rendus et les praticiennes et praticiens du théâtre essaient-ils d’enrayer ces points de vue et d’élargir le discours critique ? Qu’est-ce que la période actuelle peut nous offrir pour repenser la critique théâtrale ? Nous commencerons par replacer les questions et les enjeux dans le contexte historique soulevés par Bonnell, puis nous démontrerons comment les artistes autochtones, noir.e.s et de couleur réclament de nouveaux modèles pour la critique théâtrale et comment ils.elles les adoptent dans leurs propres pratiques.

Ouvrages cités :

Nolan, Yvette. Medicine Shows : Indigenous Performance Culture. Playwrights Canada Press, 2015. 

“Why playwright Yolanda Bonnell asks that only people of colour review her play Bug.” CBC Radio, 10 Feb. 2020. https://www.cbc.ca/radio/q/monday-feb-10-2020-yolanda-bonnell-oscars-panel-and-more-1.5455921/why-playwright-yolanda-bonnell-asks-that-only-people-of-colour-review-her-play-bug-1.5456383

 

Notices Biographiques

Signy Lynch est doctorante à l’Université York. Sa thèse, financée par le CRSH, se penche sur l’aparté dans le théâtre contemporain au Canada. Elle a publié dans Canadian Theatre Review, alt. theatre et CdnTimes. Elle est corédactrice du no 186 (à paraître) de la Canadian Theatre Review intitulé « Le théâtre après l’explosion ». 

Michelle MacArthur est professeure adjointe à l’École d’art dramatique de l’Université de Windsor. Cette communication s’inscrit dans le cadre de son actuel projet de recherche, financé par le CRSH, et intitulé « Sexe, genre et pouvoir dans la blogosphère du théâtre canadien ».